L’aide médicale à mourir (AMM) et handicap : quand l’acceptabilité sociale se confronte aux faits
- Ariane Plaisance
- 29 mai
- 2 min de lecture

Au Canada, une personne vivant avec un handicap physique ou une maladie chronique grave peut légalement accéder à l’aide médicale à mourir (AMM) même si son décès n’est pas imminent. En effet, le jugement Baudouin de la Cour supérieure du Québec a invalidé, le 11 septembre 2019, la condition d’admissibilité à l’aide médicale à mourir exigeant que la personne soit « en fin de vie ».
Pour certains, l’admissibilité des personnes ayant un handicap physique à l’AMM incarne la reconnaissance du droit à l’autodétermination. Pour d’autres, notamment des groupes de défense des droits des personnes handicapées, il normalise une solution létale à des problèmes d’inaccessibilité, de pauvreté et d’isolement social, alors même que les services d’aide à vivre et de soins palliatifs sont défaillants.
Le fait que les personnes handicapées soient admissibles à l’AMM est largement méconnu des Canadiens. Selon une étude de Choi et al. publiée en 2024, seulement 20% des Canadiens savent qu’un diagnostic de maladie terminale n’est pas requis pour recourir à l’AMM. Dans cette étude, 2 140 adultes canadiens ont été recrutés du 8 au 23 août 2023. Un échantillonnage par quotas a été utilisé pour refléter la population du recensement de 2021 selon l’âge, le genre, la province, le niveau d’études et le revenu. La collecte de données reposait sur une enquête en ligne utilisant des vignettes pour tester l’acceptabilité de l’AMM dans des cas concrets de refus de traitement pouvant prolonger la vie (ex : chimiothérapie) ou de manque de ressources (ex : manque de logement adapté au handicap ou aux moyens financiers). L’analyse combine des statistiques descriptives et des tests de tendance afin de lier les connaissances de la loi, les caractéristiques sociodémographiques des répondants et le soutien à l’AMM.
Sans être exposé à des cas concrets, 73% des répondants appuient l’AMM. Le pourcentage d’appui diminue radicalement quand le répondant est face à une situation concrète. Dans le cas d’un refus de traitement pouvant prolonger la vie, l’appui est de 23% et dans le cas d’un manque d’accès aux ressources, l’appui est de 22%. L’étude met en évidence un décalage entre la législation canadienne, de plus en plus permissive, et l’image que les Canadiens ont de l’AMM. Au Québec, l’acceptabilité sociale a certes été établie avant la légalisation de l’aide médicale à mourir en 2015. Par contre, les critères d’admissibilité ont beaucoup changé depuis. Lorsque l’on confronte les citoyens à des situations concrètes où les personnes sont admissibles à l’aide médicale à mourir (manque de soins, précarité, refus de traitements) l’acceptabilité sociale chute.






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