Le deuil à l’ère numérique : quand l’IA fait «revivre» les morts
- Ariane Plaisance
- 8 oct.
- 2 min de lecture

Dans un article de la revue Nature publié le 15 septembre 2025, la journaliste scientifique Tammy Worth décrit l’essor des « griefbots », des agents conversationnels capables d’imiter la voix, le style d’écriture et même la personnalité de personnes décédées à partir de leurs traces numériques. Il existe plus d'une demi-douzaine de plateformes qui offrent ce service prêt à l'emploi. Les développeurs affirment que des millions de personnes les utilisent pour envoyer des textos, passer des appels ou interagir d'une autre manière avec les reconstitutions de personnes décédées. Cette innovation technologique soulève de profondes questions éthiques et psychologiques.

Pour certaines personnes, les griefbots pourraient offrir un espace réconfortant. Converser avec une version numérique d’un parent décédé peut apporter un répit temporaire, rappeler de bons souvenirs ou encore permettre aux générations futures de «connaître» la personne décédée. Les griefbots pourraient même constituer un outil thérapeutique, s’ils sont utilisés de façon encadrée par des professionnels. Mais les risques sont présents. Psychologiquement, est-ce que s’attacher à un griefbot pourrait empêcher de vivre pleinement le deuil, voire entraîner des deuils compliqués? Éthiquement, le consentement des défunts pose un problème : voulaient-ils vraiment que leurs données numériques soient utilisées ainsi ? Et qu’advient-il de leurs données ? Des versions déformées, idéalisées ou biaisées risquent de circuler, ouvrant la porte à des manipulations, voire à des usages commerciaux ou de la fraude. L’article dans Nature rapporte le témoignage d’une femme qui a interagi avec une version numérique de son père décédé lorsqu’elle était adolescente. L’expérience, loin de la réconforter, a été douloureuse : l’illusion d’une présence sans être réellement lui.
Cette révolution technologique exige une réflexion collective. Faut-il instaurer un « consentement numérique posthume », permettant à chacun de décider de la réutilisation de ses données après sa mort ? Mais, comment garantir le respect de ce consentement numérique posthume alors que nous avons peine à faire respecter le consentement numérique de notre vivant? Tant de questions qui nécessiteront la collaboration entre diverses expertises dans les prochaines années.






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