Si ça ne va pas bien, voulez-vous un massage? Bien sûr!
- Ariane Plaisance
- 19 mai
- 2 min de lecture
Les lignes directrices en matière de communication sur les décisions en fin de vie insistent sur l’importance d’utiliser un langage clair et direct, afin de garantir que le patient et ses proches comprennent pleinement la nature du pronostic et des interventions proposées. Il est notamment recommandé de nommer explicitement mourir, décès, arrêt des traitements ou réanimation cardiorespiratoire, sans recourir à des euphémismes qui risquent de compromettre le consentement éclairé.
Un euphémisme consiste à remplacer un mot ou une expression jugés trop directs ou anxiogènes par une formule plus douce, indirecte ou métaphorique. En cas de maladie grave et de cheminement vers la fin de vie, cette figure de style est très souvent utilisée par les soignants sans même qu’ils en aient conscience.
Euphémismes pour obtenir un consentement (pas) éclairé aux soins
Voulez-vous un massage ?
Si ça ne va pas bien, voulez-vous un massage ? ou Si ça ne va pas bien, voulez-vous tout? peuvent être utilisés en guise de consentement à la réanimation cardiorespiratoire Ce massage ou ce tout fait oublier l’enchaînement invasif de manœuvres (chocs électriques, intubation, médicaments vasoactifs). Ce n’est pas possible d’utiliser ces mots pour décrire la réanimation cardiorespiratoire en croyant que le patient va comprendre ! Un petit spa avec ça?
Voulez-vous qu’on vous fasse dormir avec un petit tube dans la gorge?
Voilà le spa : la ventilation mécanique ; l’intubation qui est souvent décrite en utilisant des mots tels que dormir, sommeil, petit tube inséré dans la gorge, plutôt que de dire que l’intervention consiste à être mis dans le coma artificiel et maintenu en vie artificiellement pendant un nombre de jours indéterminé ou peut-être jusqu’au décès qui fera suite à de nombreuses discussions avec la famille.
Euphémismes pour ne pas dire le mot mourir
« Partir », « s’en aller » « ou grand voyage »
J’ai observé cette situation : une dame à qui les soignants avaient dit : « On va vous laisser partir, on a appelé votre famille », a compris que sa famille s’en venait la chercher à l’hôpital et qu’elle retournait chez elle. Ce n’est que quand sa famille est arrivée et après s’être informée auprès du personnel soignant qu’elle a compris que partir voulait dire mourir. Elle est décédée fâchée.
Euphémisme pour ne pas dire suicide assisté ou euthanasie
L’euphémisme le plus problématique est sans doute aide à mourir qui occulte la responsabilité active du soignant : il suggère qu’il ne fait qu’accompagner, alors qu’il s’agit bien d’un acte mettant fin à la vie. Cette tournure, qui pourrait aussi bien décrire les soins palliatifs, crée de la confusion dans la population qui associe souvent d’autres pratiques de fin de vie telles que la cessation d’une dialyse ou la sédation palliative continue à l’aide à mourir. De même, cet euphémisme est en porte-à-faux avec les recommandations de transparence des guides de pratique.
Pour restaurer la clarté et l’intégrité de la relation soignant–soigné, pour favoriser le consentement éclairé et la prise de pouvoir des personnes en fin de vie, il est impératif de mettre fin à cette culture clinique persistante qui perçoit le discours direct sur la mort comme délétère. Après tout, la mort est le seul outcome que tous les patients vont avoir !






Commentaires